Comment les jeunes en formation testent des solutions innovantes contre le fouling?

Étudiants, Nautisme - 21.01.21

Dans le cadre des formations du nauti campus à la maintenance nautique, la lutte contre la colonisation des carènes immergées est largement abordée. Les jeunes en CAP Réparation des Embarcations de Plaisance ou en Bac Pro Maintenance Nautique comme les adultes en Titre Pro Réparateur en Marine de Plaisance apprennent tous à mener un carénage et à conseiller le plaisancier sur le produit le mieux adapté à son type de navigation et de bateau. Comment les sensibiliser aux solutions innovantes plus respectueuses de l’environnement que les traditionnels antifouling contenant des biocides?

Traditionnellement les plaisanciers sont obligés de sortir tous les ans le bateau de l’eau afin d’éliminer les salissures (fouling) et de poser une peinture antifouling à base de biocides. Tout composé biocide est par définition mortel pour les organismes vivants animaux ou végétaux du milieu marin.

Quelles solutions pour limiter la colonisation des carènes?

Il existe plusieurs produits ou procédés alternatifs aux peintures antifouling traditionnelles: des brosses, des bâches de protection, des générateurs d’ultrasons ou des diodes émettant des UV.

brosse Lulu

bâche parefouling

émetteur ultrasons

brosse à rouleaux

diodes UV

Mais d’autres pistes sont étudiées pour réduire l’impact environnemental de cette lutte contre le fouling qui ralentit les bateaux, pénalise leur manœuvrabilité et augmente la consommation de carburant. Les fabricants de peinture sont limités par le nombre fortement décroissant des molécules biocides autorisées et se tournent vers des additifs cuivrés ou siliconés sensés avoir une durée d’efficacité rallongée à plusieurs années.

L’antifouling Coppercoat, par exemple, contient une forte densité de poudre de cuivre contenue dans une résine époxy. L’efficacité annoncée par le fabricant est de 10 ans!

l’antifouling hempel silic one constitue une fine couche d’hydrogel, à base de silicone, qui doit empêcher la fixation des organismes marins sur la carène et les hélices. La durée de vie annoncée sur le coque est 2 années.

Antifouling traditionnel
antifouling cuivré

Une autre technique consiste à poser un « moquette à poils en nylon » sur la carène pour empêcher la colonisation par les organismes marins: c’est la solution Finsulate. Les « poils » de revêtement mimant la protection des épines d’oursins vis à vis du fouling.

Que penser de toutes ces solutions?

Une étude très complète sur le sujet a été menée en 2018 par finistère 360° en mer d’Iroise: antifouling et environnement où en sommes nous?. Les différents procédés ont été testé qualitativement et quantitativement pendant 2 ans en condition réelles sur plusieurs type de bateaux de plaisance.

Un reportage du magazine bateaux.com, paru en 2018, est lui aussi très complet sur le sujet: L’antifouling ? Les solutions alternatives comparées.

Cette vidéo de la Uship Académie est elle aussi très complète pour comprendre les différentes possibilités qui s’offrent aujourd’hui aux plaisanciers pour lutter contre le fouling.

Que disent ces tests?

Toutes ces techniques ont été testées sur 2 années dans différents ports et sur différents types de carènes. Des voiliers, des vedettes, de bateaux qui sortent beaucoup et d’autres moins, etc.

Les méthodes mécaniques: le brossage

Le moyen le plus simple et le plus économique c’est la brosse Lulu ! Elle impose une séance de nettoyage 2 à 3 fois par mois, il est difficile de bien passer partout malgré sa forme incurvée et surtout elle est conçue pour être utilisée en complément d’une peinture antifouling traditionnelle. les résidus vont alors tomber au fond du port ce qui n’est pas vraiment en accord avec les objectifs environnementaux initiaux…

La société bio-océan a installé à Lorient et à Granville des station de lavage avec des brosses rotatives adaptées aux différentes carènes. Légèrement en appui sur les brosses, la coque est nettoyée après une quinzaine de minutes. Une jupe textile récupère les déchets qui, notons-le, ne sont pas polluants. En effet, la coque est exempte d’antifouling et seuls des déchets organiques sont détachés. Mais l’efficacité de la méthode implique des lavages fréquents et le coût annuel reste à minima comparable au carénage classique sans parler du problème des anodes qui imposent une manutention traditionnelle.

La bâche parefouling

La société nautic innovation propose une bâche qui enveloppe la carène du bateau. Cette technique impose une manipulation avant et après chaque sortie en mer et concentre les odeurs de décomposition du fouling. Elle n’est pas compatible avec les bateaux qui échouent à chaque marée. L’efficacité dépend de l’espace laissé entre la bâche et la coque qui doit être le plus petit possible.

Les peinture avec additifs: cuivre ou silicone

Les sociétés Coppercoat ou M300 proposent des résine époxy chargée en poudre de cuivre. Le premier problème c’est que le cuivre est justement un biocide. Les contraintes d’application sont fortes: 3 couches, temps de séchage long, hydrométrie. Il faut faire appel à un professionnel pour une pose dans les règles de l’art. L’efficacité annoncée sur 5 ans ne dispense pas d’un nettoyage régulier pour que le cuivre reste actif. Les résultats des tests sont mitigés.

La société Hempel propose par exemple un produit permettant un nettoyage facile à l’éponge puisque contenant du silicone. Le silicone reste un revêtement persistant, non biodégradable à court terme. La coque nécessite d’être poncée jusqu’au gelcoat lors de la 1ère application et plusieurs couches de peintures sont nécessaires (primaire + peinture au silicone). La peinture au silicone doit être intégralement retirée pour revenir à un antifouling classique. Cela semble fonctionner, surtout sur les bateaux rapides qui naviguent beaucoup, mais là encore un nettoyage intersaison est indispensable.

Les générateurs d’ultrasons

La solution électroclean de chez Navicom repose sur l’idée que les ultrasons permettant de désinfecter du matériel médical par exemple, vont empêcher les colonies bactériennes de se développer sur la coque et donc bloquer la venue d’organismes plus gros. A la lumière des tests, cela fonctionne correctement sur des coques en alu mais pas sur des coque en polyester. L’efficacité n’a pas été démontrée sur trois des quatre bateaux en tests. Les algues et parfois les espèces encroûtantes se sont progressivement développées.

Les diodes à lumière Ultra Violette

Le groupe néerlandais Akzo Nobel étudie une solution innovante qui consiste à remplacer l’antifouling traditionnel par un film intégrant des diodes émettant de la lumière dans le spectre ultraviolet. L’utilisation des lampes à UV est bien connue pour la stérilisation de matériel dans les milieux industriels et sanitaires. Cette solution n’a pas été testée dans les études précitées.

Les films autocollants

La société uniflow propose un film adhésif recouvert de silicone. Sa surface lisse permet d’éliminer le fouling lors de la navigation et limite le développement du fouling sur la carène. Les adhésifs doivent être posés par du personnel qualifié pour éviter que les joints entre les adhésifs ne soient colonisés par le fouling . Le problème du silicone non biodégradable reste entier; ce n’est pas adapté aux bateaux lents ou statiques.

Le film adhésif Finsulate ressemble à un moquette avec plusieurs tailles de « poils » qui sont sensés lutter contre l’implantation du fouling et se nettoyer lors des navigations ou par brossage. Là aussi la qualité de la pose semble déterminante pour l’efficacité et des témoignages négatifs circulent sur le net.

Les jeunes en Terminale Bac Pro Maintenance Nautique du lycée Rosa Luxemburg de Canet participent cette année à une expérimentation de ce film sur le semi-rigide qui est utilisé pour la sécurité des cours de voile en EPS ou pour les permis bateau.

Les tests menés par les élèves du lycée des métiers du nautisme

Ces tests menés entre Janvier et Juillet 2021 comportent deux volets: des plaques immergées dans le port et un test grandeur nature sur le semi-rigide du lycée. Sur le semi-rigide: la moitié avant de la carène est recouverte d’un antifouling traditionnel à matrice dure alors que la partie arrière est recouverte du film Finsulate speedgrade à poil court.

La carène doit d’abord être soigneusement nettoyée pour appliquer un primaire époxy d’accroche avant de poser le film adhésif. Le test porte aussi sur la partie pneumatique immergée afin d’observer le comportement du film sur partie souple de la carène.

retour au gel coat
préparation avant primaire époxy
le film de sera posé qu’ensuite

Le bateau est à flot au port de Canet et sera sorti quelques instants avant chaque vacance scolaire afin d’évaluer quantitativement la colonisation de la carène.

antifouling classique à l’avant
finsulate à l’arrière
la carène prête pour le test grandeur nature

Parallèlement à la préparation de la carène du semi-rigide du lycée pour le test Hempel matrice dure VS Finsulate speedgrade, les élèves préparent des plaques de test en fibre de verre et résine époxy afin de comparer les différentes solutions.

Les élèves vont immerger ces plaques test en différents endroits du port de Canet avec l’accord de la société Sillages exploitante du port de plaisance . Ces plaques seront photographiées et expertisées à intervalles réguliers afin de comparer l’implantation du fouling. A chaque fois il y a 4 plaques: une plaque vierge, une avec de l’antifouling traditionnel, une avec du finsulate à poil court et une avec du poil long.

détourage des plaques

collage du film sur une plaque test
immersion des plaques dans le port

Reste à suivre régulièrement la colonisation des plaques et de la carène au cours des mois à venir en comparant les différentes solutions.