Comment favoriser l’éco-conception des bateaux de plaisance, que ce soit pour les matériaux de construction utilisés ou pour la déconstruction en fin de vie ?
Nautisme - 02.07.20
La construction de la plupart des bateaux de plaisance fait appel aux matériaux composites qui offrent toutes les possibilités en termes de forme, de résistance mécanique et de longévité en milieu marin. Un matériau composite est composé de plusieurs matières plastiques : d’un tissu en fibre tissée (verre ou carbone) et d’une résine thermodurcissable (polyester, vinylester, epoxy ou autre) qui imprègne le tissu pour le rendre rigide en polymérisant à l’aide d’un catalyseur.
Mais ces matériaux composites sont repose exclusivement sur le pétrole et sont très difficiles à recycler en fin de vie. Aujourd’hui les composites (bateaux, avions, automobiles, etc.) sont généralement enfouis en décharge ou incinérés avec le dégagement de nombreuses substances toxiques. C’est pourquoi les industriels se tournent vers de nouveaux types de composites : fibres naturelles (lin, chanvre, jute) associées à des résines bio-sourcées issues du monde végétal.
L’objectif étant double : remplacer des ressources fossiles par des ressources renouvelables afin de limiter la contrainte qui pèse sur le pétrole et remplacer des substances toxiques, préoccupantes pour l’homme. Selon l’European Industrial Hemp Association, la part des bio-composites dans l’ensemble des composites utilisé en Europe était de 12% en 2010 ; elle est estimée à 22% en 2020.
Le Campus des Métiers du Nautisme rassemble des laboratoires de recherche qui mettent leur excellence au service des industriels de la filière nautique.
1. Les résines bio-sourcées
Le gros avantage de ce type de résine est qu’elles sont hors classe toxicologique c’est-à-dire que l’impact sur la santé des opérateurs est bien meilleur que pour les résines classiques à base de produits pétroliers. Pas d’odeur et pas de réaction allergique car sans isocyanates, sans formaldéhydes ou bisphénolA. Elles comportent des molécules bio-polymères naturelles issues du colza, du lin, du tournesol ou de la betterave à sucre.
- L’époxy lin est une résine bi-composante à base d’huile de lin et d’autres bio-polymères (cellulose ou amidon par exemple). Ce type de résine qui contient jusqu’à 85% de molécules naturelles est transparente, sans solvant et sans odeur. On obtient une grande résistance mécanique et chimique qui convient parfaitement à une mise en œuvre en milieu marin.
- L’Epolin UV est une autre variante de résine bio-sourcée à base d’huile de lin qui va réticuler (durcir) sous l’effet des UV soit naturellement au soleil soit avec des lampes UV.
- Greenpoxy 56 est une résine avec plus de 50% de la composition de la structure moléculaire est dérivée de plantes et de matières végétales. Elle est transparente et résistante à l’eau et permet la réalisation de stratifiés robustes, brillants et résistants à l’usure.
L’entreprise canadienne Campion Marine (www.campionboats.com ) est ainsi le premier constructeur nautique à fabriquer des bateaux en série avec une résine bio-sourcée.
L’école supérieure de chimie de Montpellier (ENSCM-www.enscm.fr) travail activement sur les résines bio-sourcées à applications industrielles.
L’utilisation de bio-composites, association d’un bio-polymère (polymère biodégradable) et de bio-fibres (fibres biodégradables), présente des avantages pour le recyclage en fin de vie des bateaux de plaisance. En effet, ils permettent la réalisation de pièces qui pourront être broyées puis incorporées dans un compost.
2. Les fibres naturelles
Sous le terme « fibres naturelles » se trouvent des fibres organiques, d’origine végétale (cellulosique) et animale (protéinique), et des fibres minérales telles que l’amiante ou le basalte. L’utilisation de fibres naturelles dans les matériaux composites permet de valoriser une ressource locale dans des pays peu industrialisés mais aussi de développer des matériaux et des technologies prenant en compte les impacts sur l’environnement. Deux types de fibres naturelles sont utilisables pour réaliser industriellement des composites: les fibres végétales et les fibres minérales.
- Les fibres végétales sont des structures biologiques principalement composées de cellulose issue du lin, du chanvre ou du jute. A cause de sa grande solidité et de son intérêt économique, ce type de fibre est très recherché comme substitut de la fibre de verre. On peut fabriquer de la fibre végétale plus légère, plus solide et moins chère que la fibre de verre. Par contre l’affinité naturelle à l’eau et une moins bonne tenue dans le temps sont problématiques pour un usage nautique.
Le chantier IDB Marine ( www.idbmarine.com ), par exemple fabrique l’un de ses monocoques en fibre de lin.
- les fibres minérales sont généralement à base d’amiante ou de basalte. les fibres d’amiante présentent de nombreux avantages (le coût, la possibilité de mélanger avec la fibre de verre), mais favorisent l’action de produit cancérigène sur l’homme. Les fibres de basalte est issue d’une roche volcanique et présentes de nombreuses propriétés intéressantes pour le nautisme : résistance supérieure à la fibre de verre, résistance aux UV, aux produits chimiques et surtout c’est un matériau inerte, non toxique, non cancérigène dont le coût n’est pas supérieur à la fibre de verre.
Plusieurs chantiers utilisent la fibre de basalte : Amer Yachts ( www.ameryachts.it ) en grande plaisance ou Windelo ( www.windelo-catamaran.com ) pour les catamarans de plaisance.
Les laboratoires de recherche du campus des métiers du nautisme accompagnent la mise en œuvre des fibres naturelles, notamment l’équipe DMS (Durabilité des éco-Matériaux et des Structures) rattachée au Laboratoire de Mécanique et Génie Civil (LMGC) de l’université de Montpellier ou encore l’école Polytech.
3. Les panneaux sandwichs avec une âme éco-responsable
Les filières nautique et aéronautique, dans une recherche de gain de poids et avec les mêmes caractéristiques mécaniques, utilisent des panneaux composites « sandwichs ». En fait on enferme entre deux couches de composite (A) classique une âme (B) dans un matériau léger et résistant à la compression : du bois (balsa), de la mousse PVC ou de l’aluminium en nid d’abeille.
Or la mousse PVC ou l’aluminium, lors de leur fabrication, demandent beaucoup d’énergie et émettent beaucoup de CO2. Certains chantiers de plaisance comme Windelo font le choix de la mousse en PET (Polytéréphtalate d’éthylène) à la place du PVC (polychlorure de vinyle). Il est particulièrement intéressant de remplacer la mousse PVC par la mousse PET car le PET est le matériau de nos bouteilles d’eau minérale par exemple. La matière première peut être obtenue en recyclant des bouteilles d’eau minérale! On ne crée plus un matériau à partir du pétrole (PVC) mais on recycle un matériau abondant : le PET.
- Les mousses Airex ou ArmaForm sont constituées de Polytéréphtalate d’éthylène (PET) recyclé obtenu à partir de bouteilles. Cette mousse thermoplastique sera à son tour recyclable en fin de vie. La mousse PET à des cellules fermées ce qui lui confère de très bonnes propriétés mécaniques et la rend compatible avec une utilisation nautique. Elle a aussi un excellent comportement au feu ou aux agents chimiques.
Les membres de l’enseignement supérieur du campus des métiers du nautisme,dont certains font parti des membres fondateurs du campus, accompagne les industriels de la filière nautique sur tous ces enjeux de R&D éco-responsables.
C’est le cas du Centre de Recherche d’Innovation et de Transfert Technologique (CRITT) composite à Toulouse ( www.mecanique-composite.com ), membre fondateur du Nauti-Campus, accompagnent les industriels en recherche et développement sur la mise en œuvre ou le test des matériaux composites innovants qui travail notamment au côté du bureau d’étude du chantier Catana (www.catanagroup.com ).
Mais aussi de l’école des mines d’Alès (www.mines-ales.fr ) au côté du chantier Windelo (www.windelo-catamaran.com ).