La filière nautique maritime et fluviale produit des bateaux de plaisance depuis les années 60. Une écrasante majorité de ces embarcations sont en polyester, c’est à dire en matériaux composites à base de fibre de verre et de résine. Aujourd’hui beaucoup de ces bateaux âgés de plus de 40 ans sont en très mauvais état et ont perdu tout ou partie de leur valeur vénale. Techniquement dépassés, ayant subis les outrages du temps et souvent délaissés par leur propriétaires au fond d’un port ou sur les berges d’une voie navigable. Ces bateaux sont à déconstruire pour ne pas polluer l’environnement tout en recyclant certains de leurs composants.

BATEAU EN FIN DE VIE DANS UN PORT
Certains bateaux en fin de vie occupent inutilement des places de port et ternissent l’image de la plaisance

La Fédération des Industries Nautiques (F I N) a mis en place en 2019 la filière de déconstruction avec l’Association pour la Plaisance Eco Responsable (APER). Cet éco-organisme a pour mission de permettre aux propriétaires de bateaux de plaisance en fin de vie de prendre contact avec un centre de déconstruction agrée.

L’Eco-organisme APER

Que faire de son bateau de plaisance en fin de vie?

Le 2 mars 2019, l’APER devient l’éco-organisme officiel de la filière de déconstruction des navire de plaisance. Les coûts de déconstruction (hors transport) sont pris en charge par l’éco-organisme dont l’objectif est de traiter 15 000 à 20 000 bateaux d’ici 2025. A ce jour, la démarche est inédite et l’expérience française est prise en exemple au niveau européen (Projet Boat Digest / Groupe de travail de la DG Mare à la Commission européenne). Les étapes qui permettent la prise en charge du bateau par l’APER sont résumées sur le site. Le propriétaire, muni des papiers du bateau doit télécharger la demande de déconstruction sur le site de l’APER.

Schéma filière déconstruction des bateaux de plaisance
Le schéma de la filière: le propriétaire assume ce qui est hors périmètre APER
carte des sites de déconstruction APER
Localisation des sites de déconstruction agrées

Quel site de déconstruction choisir pour son bateau?

Les organismes agrées par l’APER pour déconstruire les bateaux de plaisance sont répartis sur le territoire mais principalement sur les façades maritimes où se trouvent une majorité des bateaux à déconstruire. En région Occitanie, il y a deux organismes agrées: Thubertenvironnement à Elne et EPUR à Montpellier. Le propriétaire du bateau à déconstruire doit assumer le transport vers le centre de déconstruction. Une fois le navire acheminé dans le centre agréé, il n’a plus rien à faire tout est pris en charge par l’APER.

Comment est financée la filière?

L’éco-organisme APER en charge de la gestion du traitement des déchets issus des bateaux de plaisance ou de sport sont financées par une écocontribution obligatoire payée par les metteurs sur le marché sur chaque vente de bateau neuf soumis à l’obligation d’immatriculation en France et par une quote-part du DAFN (droit annuel de francisation et de navigation) reversée par l’Etat à l’éco-organisme.

A ce jour la filière a des difficultés de financement et l’objectif de traiter 20000 bateaux d’ici 2025 risque de ne pas être atteint. Le barème de l’écocontribution, qui varie chaque année est téléchargeable ici.

Quels sont les déchets recyclés à partir d’un bateau de plaisance?

Les matériaux qui sont les plus faciles à recyclés sont les menuiseries, les pièces d’accastillage en inox ou les autres pièces métalliques (moteur, câbles, batteries, etc.).

Certaines pièces d’accastillage repartent dans l’économie circulaire via des sociétés comme captain chercheur près de Perpignan. Les équipements pour les bateaux de plaisance étant particulièrement onéreux, il existe une filière de l’occasion qui a de beaux jours devant elle. Cela concerne aussi bien les bateaux en fin de vie que ceux qui renouvellent leurs équipements.

Voiliers ou navire à moteur hors d’usage peuvent alimenter l’économie circulaire et donner une nouvelle vie à de nombreux équipements

Les parties en polyester sont les plus délicates à valoriser. Il existe des procédés pour séparer les renforts en fibre de verre de la résine qui formaient ensemble le matériau composite. Cependant cette opération qui repose sur des procédés chimiques est très couteuse et donc le modèle économique est fragile. On peut réutiliser des fibres après simple broyage pour faire des charges dans des bétons ou des supports de barrières de chantier mais les débouchés restent limités. La fibre de verre neuve a aujourd’hui un coût trop faible pour que les industriels utilisant ces fibres se tournent vers la filière de recyclage. Seule le fibre de carbone pourrait être concernée.

Le nautisme ne représente que 4% des matériaux composites à recycler mais la problématique de valorisation reste complexe comme le montre ce guide du recyclage des composites sur le site d’agrobiobase.

Voici une petite vidéo qui propose le processus de recyclage des matériaux composites:

Il existe aussi des structures qui se lancent dans une valorisation originale des bateaux en fin de vie: transformer le bateau hors d’usage en habitat insolite. C’est le cas de la société Bathô qui propose des habitats insolites ou des salles de réunion inédites.

hébergement insolite sangria
Un sangria de chez Jeanneau dans sa seconde vie
Salle de réunion dans un trimaran

Une fois les aménagements intérieurs revus en fonction de l’utilisation choisie tout est possible!

La construction de la plupart des bateaux de plaisance fait appel aux matériaux composites qui offrent toutes les possibilités en termes de forme, de résistance mécanique et de longévité en milieu marin. Un matériau composite est composé de plusieurs matières plastiques : d’un tissu en fibre tissée (verre ou carbone) et d’une résine thermodurcissable (polyester, vinylester, epoxy ou autre) qui imprègne le tissu pour le rendre rigide en polymérisant à l’aide d’un catalyseur. 

Mais ces matériaux composites sont repose exclusivement sur le pétrole et sont très difficiles à recycler en fin de vie. Aujourd’hui les composites (bateaux, avions, automobiles, etc.) sont généralement enfouis en décharge ou incinérés avec le dégagement de nombreuses substances toxiques. C’est pourquoi les industriels se tournent vers de nouveaux types de composites : fibres naturelles (lin, chanvre, jute) associées à des résines bio-sourcées issues du monde végétal.

L’objectif étant double : remplacer des ressources fossiles par des ressources renouvelables afin de limiter la contrainte qui pèse sur le pétrole et remplacer des substances toxiques, préoccupantes pour l’homme. Selon l’European Industrial Hemp Association, la part des bio-composites dans l’ensemble des composites utilisé en Europe était de 12% en 2010 ; elle est estimée à 22% en 2020.

Le Campus des Métiers du Nautisme rassemble des laboratoires de recherche qui mettent leur excellence au service des industriels de la filière nautique.

1. Les résines bio-sourcées

Le gros avantage de ce type de résine est qu’elles sont hors classe toxicologique c’est-à-dire que l’impact sur la santé des opérateurs est bien meilleur que pour les résines classiques à base de produits pétroliers. Pas d’odeur et pas de réaction allergique car sans isocyanates, sans formaldéhydes ou bisphénolA. Elles comportent des molécules bio-polymères naturelles issues du colza, du lin, du tournesol ou de la betterave à sucre.

Résine

L’entreprise canadienne Campion Marine (www.campionboats.com ) est ainsi le premier constructeur nautique à fabriquer des bateaux en série avec une résine bio-sourcée

L’école supérieure de chimie de Montpellier (ENSCM-www.enscm.fr) travail activement sur les résines bio-sourcées à applications industrielles.

École Supérieure de Chimie de Montpellier

L’utilisation de bio-composites, association d’un bio-polymère (polymère biodégradable) et de bio-fibres (fibres biodégradables), présente des avantages pour le recyclage en fin de vie des bateaux de plaisance. En effet, ils permettent la réalisation de pièces qui pourront être broyées puis incorporées dans un compost.

2. Les fibres naturelles

Sous le terme « fibres naturelles » se trouvent des fibres organiques, d’origine végétale (cellulosique) et animale (protéinique), et des fibres minérales telles que l’amiante ou le basalte. L’utilisation de fibres naturelles dans les matériaux composites permet de valoriser une ressource locale dans des pays peu industrialisés mais aussi de développer des matériaux et des technologies prenant en compte les impacts sur l’environnement. Deux types de fibres naturelles sont utilisables pour réaliser  industriellement  des composites: les fibres végétales et les fibres minérales.

  • Les fibres végétales sont des structures biologiques principalement composées de cellulose issue du lin, du chanvre ou du jute. A cause de sa grande solidité et de son intérêt économique, ce type de fibre est très recherché comme substitut de la fibre de verre. On peut fabriquer de la fibre végétale plus légère, plus solide et moins chère que la fibre de verre. Par contre l’affinité naturelle à l’eau et une moins bonne tenue dans le temps sont problématiques pour un usage nautique.
Fibres végétales

Le chantier IDB Marine ( www.idbmarine.com ), par exemple fabrique l’un de ses monocoques en fibre de lin.

  • les fibres minérales sont généralement à base d’amiante ou de basalte. les fibres d’amiante présentent de nombreux avantages (le coût, la possibilité de mélanger avec la fibre de verre), mais favorisent l’action de produit cancérigène sur l’homme.  Les fibres de basalte est issue d’une roche volcanique et présentes de nombreuses propriétés intéressantes pour le nautisme : résistance supérieure à la fibre de verre, résistance aux UV, aux produits chimiques et surtout c’est un matériau inerte, non toxique, non  cancérigène dont le coût n’est pas supérieur à la fibre de verre. 
Fibres minérales

Plusieurs chantiers utilisent la fibre de basalte : Amer Yachts ( www.ameryachts.it ) en grande plaisance ou Windelo ( www.windelo-catamaran.com ) pour les catamarans de plaisance. 

Les laboratoires de recherche du campus des métiers du nautisme accompagnent la mise en œuvre des fibres naturelles, notamment l’équipe DMS (Durabilité des éco-Matériaux et des Structures) rattachée au Laboratoire de Mécanique et Génie Civil (LMGC) de l’université de Montpellier ou encore l’école Polytech. 

lmgc
Polytech Montpellier

3. Les panneaux sandwichs avec une âme éco-responsable

Les filières nautique et aéronautique, dans une recherche de gain de poids et avec les mêmes caractéristiques mécaniques, utilisent des panneaux composites « sandwichs ». En fait on enferme entre deux couches de composite (A) classique une âme (B) dans un matériau léger et résistant à la compression : du bois (balsa), de la mousse PVC ou de l’aluminium en nid d’abeille. 

Or la mousse PVC ou l’aluminium, lors de leur fabrication, demandent beaucoup d’énergie et émettent beaucoup de CO2. Certains chantiers de plaisance comme Windelo font le choix de la mousse en PET (Polytéréphtalate d’éthylène) à la place du PVC (polychlorure de vinyle). Il est particulièrement intéressant de remplacer la mousse PVC par la mousse PET car le PET est le matériau de nos bouteilles d’eau minérale par exemple. La matière première peut être obtenue en recyclant des bouteilles d’eau minérale! On ne crée plus un matériau à partir du pétrole (PVC) mais on recycle un matériau abondant : le PET. 

Pvc-Step - CEL Components
  • Les mousses Airex ou ArmaForm sont constituées de Polytéréphtalate d’éthylène (PET) recyclé obtenu à partir de bouteilles. Cette mousse thermoplastique sera à son tour recyclable en fin de vie. La mousse PET à des cellules fermées ce qui lui confère de très bonnes propriétés mécaniques et la rend compatible avec une utilisation nautique. Elle a aussi un excellent comportement au feu ou aux agents chimiques.
Mousse Airex
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Les membres de l’enseignement supérieur du campus des métiers du nautisme,dont certains font parti des membres fondateurs du campus, accompagne les industriels de la filière nautique sur tous ces enjeux de R&D éco-responsables.  

Mines Ales

C’est le cas du Centre de Recherche d’Innovation et de Transfert Technologique (CRITT) composite à Toulouse ( www.mecanique-composite.com ), membre fondateur du Nauti-Campus, accompagnent les industriels en recherche et développement sur la mise en œuvre ou le test des matériaux composites innovants qui travail notamment au côté du bureau d’étude du  chantier Catana (www.catanagroup.com ).

CRITT

Mais aussi de l’école des mines d’Alès (www.mines-ales.fr ) au côté du chantier Windelo (www.windelo-catamaran.com ).

Mines Ales